Hélène Meisel

Texte du catalogue des Diplômés 2011 de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris

Ed. ENSBA, Paris2012

Certaines pratiques graphiques sont réversibles, elles autorisent le repentir et le gommage. D’autres s’avèrent en revanche irréversibles, l’intervention de l’exécutant étant indélébile. Le travail de Claire Chesnier s’inscrit dans cette seconde catégorie : celle du faire sans défaire. Le format choisi fixe l’étendue d’un geste soumis à un protocole invariable : l’artiste prépare son papier à plat en le mouillant, y délimite avec des bandes de masquage une réserve centrale dont les bords ne sont jamais orthogonaux, et redresse ensuite la feuille pour y appliquer avec une brosse douce des encres pigmentaires très diluées. Le tout doit être effectué sur papier humide, a fresco. L’évaporation fixera définitivement les couleurs, leurs migrations et leurs dégorgements. Superposées en voiles translucides, les encres pourraient rappeler la technique inventée par Helen Frankenthaler au début des années 1950, le soak-stain (imprégnation- maculation), reprise par Morris Louis dans ses fameuses Veils. Il s’agissait alors de noyer résine acrylique et térébenthine pour laisser s’imprégner le mélange fluide sur la toile crue. La procédure générait l’apparition de coulées antiform, ainsi qu’une sensation d’expansion plane. Chez Claire Chesnier, l’imprégnation reste cependant sujette à la profondeur. Car, la fenêtre ménagée sur la feuille devient le fragment d’une nappe colorée qui la déborde virtuellement. Au fur et à mesure que cette réserve centrale s’obscurcit, à force de boire les vagues successives d’encre, elle soustrait au papier de sa luminosité, y creusant une perspective atmosphérique comparable aux nuées impressionnistes. L’horizon clair qui surmonte les aplats mats et luminescents s’offre alors comme une respiration, une éclaircie que l’artiste appelle simplement “ouverture”.

Hélène Meisel février 2012