Léa Bismuth

Texte de l’exposition Jeune Création

2012

•Texte de l’exposition Jeune Création, 03|11 – 11|11 2012, le CentQuatre, Paris.

Depuis cinq ans, Claire Chesnier obéit à une contrainte qu’elle s’est donnée : elle se contente de faire apparaître une forme colorée aux contours nets dans l’espace blanc de la feuille de papier. Par ce geste — qui est avant tout un « revoilement », un recouvrement de la surface par un voile coloré — elle entre dans un dialogue avec la fluidité de la couleur et la « peau » épaisse et immaculée du papier, faisant de chaque coup de brosse l’instant d’une tension, entre intensité, amplitude, maîtrise et laisser aller du geste de la main et du bras. A partir de là, tout est possible, et il y a bien une dialectique qui s’installe : la présence de la forme comme suspendue au milieu d’une sorte de néant — telle une découpe posée sur son socle parfaitement défini — entre en contradiction, en conflit peut-être, avec ce qui se passe à l’intérieur de cette forme, jusque dans les profondeurs du tissage velouté du papier qui se gorge des encres diluées. Pour l’artiste, il s’agit là d’une mise en relation entre « l’autorité » des bords et « l’écoute » des infinis possibles qui se déploient à l’intérieur de cette même forme. Et c’est de cette manière que le spectateur entre dans la matière : son regard se perd dans les dégradés aquarellés ; il fait une expérience perceptive et phénoménologique de la peinture, pour reprendre le vocabulaire de Merleau-Ponty. Fidèle à la tradition minimale, Claire Chesnier cite Ellsworth Kelly ou Josef Albers, à qui elle emprunte d’une belle manière l’idée de variation, comprise comme répétition de la différence.

Léa Bismuth

août 2012