Laurent Boudier

Claire Chesnier

agnès b.2016

Depuis quelques temps, Claire Chesnier va vers une peinture dont la seule limite est le bord : all over dont les séquences renforcent le pouvoir visuel, super kidnapping de l’œil vers une pleine immersion de la couleur. De là à penser que l’artiste cherche, par l’onde, ce que l’on nomme l’heure bleue : ce court temps où, sur la route ou dans ciel, la lumière a fui déjà mais en condense encore sa plénitude. Passage du fugace, inscription du sensible. Ses œuvres vont désormais davantage vers le dépouillement du dispositif. Aux formes arrondies d’hier, bordées de marges blanches, viennent désormais une suite de surfaces pleines, en grandes feuilles, au mur ou posées à quelques centimètres du sol. Puits et trouées de la surface : une effraction douce de la couleur à l’architecture blanche de la galerie. 

« L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça passe, comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus.» a écrit Marguerite Duras dans un petit livre qui revient sur sa pratique d’écrivain, ses liens à la littérature, au réel, à la fiction. Cette magnifique trouvaille du « ça arrive » va comme un gant, - un gant de soie, disons plus zen que le pulsionnel ça freudien - avec la manière dont Claire Chesnier aborde sa pratique, faite d’attente, de décision ou retrait. 

Devant ces œuvres, qu’il est d’ailleurs bien malaisé de nommer purs dessins, elle dit souvent « La peinture, il ne faut pas la  forcer… » Tout vient à elle, lentement, par succession d’actions : gorger d’eau le papier grand format, y déposer l’encre si abondante qu’il faut en récupérer le surplus dans un seau posé au sol ; puis reprendre cette immersion qui va se répandre capricieuse vers des turbulences verticales ou des passages, gradués, de tons étales. Se tenir disponible à ce qui advient, faire avec ce qui arrive. « Je ne décide pas la couleur, je l’attends. Par ce procédé, lent, je recherche une forme d’étonnement. Pour moi, la peinture est une étendue impossible à contenir… »

Laurent Boudier