Scénario de lumière
Le ciel est comble, et s'ouvre encore, CCC OD, Tours202512 minutes de lumière pour 12 heures de jour, de l’aube au crépuscule
De l’aube, avant que ça ne se passe, que les oiseaux soient audibles, volatiles.
Une charge d’éclat lentement monte depuis une source de gris — nuages de nuit encore tangibles. De lentes zébrures arquent le ciel, doré de l’or blanc verdi des cuissons métalliques et des étains argent poissons. Une pâleur réchauffe, le bleu sommeille. Encore calme, dans un souffle, moins d’une minute avant que la lumière ne tombe, tombe nos buées, écart écarquille nos paupières. Il fait jour.
L’odeur brunie blanchit les vitres, dore les parapets, les rideaux des façades. La peau est jaune, soudain, lumière étirée à présent, gagne en fraîcheur, donne l’air. Un peu de ouate encore à l’iris déposé du premier regard, nouvellement né. Une heure d’été en plein hiver, avec des ombres en bascule entrecoupées de levées courtes, les couleurs déboisées se donnent.
Un passage mûr, comme une tranchée visible, un peu de clarté ébonite et la laque de transparence qui éveille les sens. On respire vraiment.
Deux minutes et ce sera fini, ces saccades jusqu’au clair. Plein zénith, plein éclair, vertical, trombe de souvenirs blancs aveuglants. Les nuances marines troubles parties. Plein phare, sans horizon. La ligne cramée du ciel et de la terre. Le regard grille. Brûlure d’orage à présent. Charge de pluie, averse tressée à l’ennui. Minutes intempestives, déliquescences froides. Un rai passe et puis s’enfuit. Respiration de ciel cage thoracique. Le paysage agrandi se rétrécit, compacte et puis revient. Lumière fantôme, bleu cramoisi.
Après violet d’orage, sonder le gris franc froncé dans l’ébloui. On a passé midi. Les limites se donnent, tout est coupant. Tesselle de vase porcelaine laiteux sans nuages, indiscernable. Froidure chauffe encore au passage du vent qui marque une trouée sur nos visages et rentre sa lumière dans son lit.
Il est quatre heure, les joues creusent des sourires au soleil qui revient comme un matin grossi d’heures lentes. Les ombres à nos pieds portent et s’allongent. Lumière basse dorée d’une fin de ciel dégorgé de son gris. On touche au rouge sur nos joues, le soir attend d’éclore sur nos pupilles plus sombres. On rentre tiédir le souvenir de l’orage et de la pluie dans des pépiements de saisons molles, printemps, été, automne, hiver se confondent, à cette heure suspendue à la lisière du disparu. Il fait chaud sur les visages mais plus bas, de plus en plus bas. L’odeur carmin réveille nos pensées passions. On se prépare, tandis que ça s’abaisse dans nos mains.
Et juste avant le relais de la nuit, ce sursaut que l’on sait bref, de l’astre hésitant, sans se donner. Au dernier rebond de lumière un éclat et la bordure bascule au crépuscule tenant aux secondes soutenues. On compte jusqu’à trente, à rebours, et ce qui luit persiste encore. Ca y est, il n’y est plus. Tout recommence.
00:00 - montée lente de l’aube depuis le noir,
puis noir grisé bleuissant
transition vers le chaud,
jaune brûlé, paille dorée
01:30 - jour clair moyen doux
fraîcheur nouvelle
plus transparente, plus froide
02:00 - éclairement
la lumière gagne en intensité, elle s’étend - réchauffement progressif
03:00 - léger voilement, des ombres passent comme des souffles
nuages légers
04:00 - éclaircie froide, transparente
percée dans les nuages
05:00 - léger assombrissement trouble avant la pleine lumière
05:15 - transition vers le plein zénith
lumière totale, blanche, saturée
blanc devient chaud, méridional
06:30 - lente montée d’orage, averses gris violacé, ombres jaunes
assombrissements chauds
07:00 - passage aux ombres bleues
07:15 - soudaine éclaircie bleutée
07:45 - assombrissement froid léger
08:15 - retour progressif de la lumière déchargée de nuages
09:00 - lumière franche
09:30 - lumière adoucie, reste claire
10:00 - lumière s’abaisse
ombres plus marquées
Dorures, charges chaudes, lentement
11:00 - lumière moyenne basse chaude, s’amenuise en se réchauffant
11:30
jour finissant dans les violets parme rosés
les blancs sont orangés
le bleu est ciel clair avant la nuit
le violet s’éclaire en rose pétale
les gris sombrent dans leurs nuances violacées
persistance de l’orangé
heure dorée, pâlit, refroidit progressivement
12:00 - mise au noir
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Texte de Claire Chesnier pour l'installation "Le ciel est comble, et s'ouvre encore", coproduction CCCOD, Tours, 2025.