Philippe Piguet

Claire Chesnier, la peinture fluide

L’œil - n° 660Septembre 2013

Elle est peintre et sa peinture se donne à voir, comme elle dit, « dans une double fragilité : celle de la porosité du papier et de la fluctuation des encres d’une part, celle du retrait de la touche et de l’avancée du “geste de la couleur” (Marc Devade) d’autre part ». Ils sont rares les jeunes artistes comme elle qui citent cette figure phare de Supports-Surfaces trop tôt disparue.

Elle est peintre et le revendique avec force, passion et conviction. Originaire de Clermont-Ferrand, née en 1986, Claire Chesnier, qui a notamment travaillé autour du concept théorique de « revoilement », ne cache pas son intérêt pour la peinture abstraite américaine.

Si Ellsworth Kelly et Agnès Martin ont ses faveurs, Blinky Palermo et Shitao, le peintre chinois du XVIIe siècle, tout à la fois calligraphe et poète, aussi. C’est dire si tout ce qui est de la lenteur, de la liquidité, d’un rapport physique et méditatif à la peinture lui convient. Ses peintures procèdent d’ailleurs d’une longue et patiente élaboration, dans l’application des couches et l’écoulement de l’encre. Au travail, Claire Chesnier peint toujours en musique, baroque de préférence ; cela l’aide « à appréhender l’expérience picturale », dit-elle encore. C’est qu’il y va chez elle d’une sorte de géologie et de sédimentation qui l’oblige à donner beaucoup d’elle-même pour mieux révéler la peinture à sa propre incarnation. Lauréate 2013 de Yishu 8, la Maison des arts de Pékin, elle y est actuellement en résidence. On imagine facilement qu’elle s’y trouve bien et que son travail va y gagner une nouvelle expérience.

Philippe Piguet