Légère et profonde, la peinture de Claire Chesnier est à l’image du célèbre oxymore de Corneile : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles ».

En peinture comme ailleurs, il faut se méfier des catégories simplistes, de celles qui classent en un mot une œuvre : abstraite ou figurative. Rien n’est si simple. Ainsi du travail de Claire Chesnier, artiste qui préfère se situer « en lisière » de ces registres, ou peut-être dans les deux à la fois. Face à ses grandes encres sur papier marouflé, on cherche dans un premier temps à se raccrocher à un horizon existant quoique manifestement incertain, une ligne familière, un nuage peut-être. Et puis soudain on s’abandonne dans ce combat inégal. Vert laiteux des souvenirs indistincts, flocons roses qui s’attardent, mauve qui traîne et puis encore du vert, profond, opaque, un enfouissement de sapins… Va-t-il nous engloutir ? Nous voici perdus, corps et âme. On songe à la phrase de Monet: « Je ne veux pas peindre les choses, je veux peindre la vibration de l’air entre elles ». Le corps, justement. La peinture de Claire Chesnier laisse quelque chose de la trace du corps. Par son format d’abord, une verticale très affirmée, taillée à l’échelle de sa silhouette, et d’une largeur qu’elle peut embrasser d’un seul geste. Par son approche, ensuite. Lorsqu’elle dit « Tout est affaire de posture », on pense à la danseuse qu’elle a été, aux lois de la gravité et au geste délié. Par sa trace sur le papier enfin. « La touche, dit-elle, traduit la manière de se positionner face au support, sera-t-elle appuyée, autoritaire ? J’aime la légèreté et la nuance, rien n ’est opaque, ni arrêté. » C’est cette nuance que permet l’encre, son matériau de prédilection. « Elle m ’échappe sans cesse par son caractère foncièrement excentrique, cette fluidité qui favorise les sensations fugitives, ouvertes sur un monde illimité. Dans toute peinture, il y a un fragment de vie, nuancé, jubilatoire. C’est ainsi et cela force l’humilité. »