Antoine Camenen

Claire Chesnier

L’Ahah2020

Les grandes encres que Claire Chesnier a déployées sur fond de papier coton, à l’aide de mouvements de brosse réguliers, se sont mues et diffusées en subtiles variations à travers les fibres du support. D’apparence dépouillée, elles procèdent par déposition, invitant la peintre à se laisser guider par la matière (vivante, assurément) et composer avec ce corps étranger. Sa démarche est donc autant éthique qu’esthétique. Dans ces surfaces qui ne manquent pas de faire penser, sous un angle plus géologique, à des infiltrations de sols, les nappes colorées s’étendent en variations infinies, diluant l’ascendance de l’acte créateur et laissant place aux événements picturaux. Ce sont, tout d’abord, les directions que prennent les pigments, au chromatisme instable... continuant d’évoluer jusqu’au séchage définitif de l’encre. Dès lors, il faut compter, parmi les réactions chimiques, des incidents infimes qui peuvent se loger dans l’oeuvre : des «fantômes», comme les nomme l’artiste. Ce sont aussi, entre autres possibilités ouvertes, des évocations laissées aux spectateurs et spectatrices. L’idée de paysages ou d’horizons affleurent à l’oeil, sans s’imposer. Car la peinture de Claire Chesnier prend soin de se défaire de toute autorité quand elle aborde l’autre, l’effleurant comme une caresse. Les signes sont abolis Présentation de l’artiste 4 au profit d’une sensualité, touchant à l’indéfinissable ; en témoigne son art nuancé, tout en passages – d’une couleur à l’autre. La musique et la poésie révèlent là leur influence sur cet oeuvre, qui, non sans synesthésie, travaille à l’intérieur de ce qu’on ne peut pas dire. Il faut une attention élargie, propice à la contemplation, face à ces paysages labiles, lumineux jusque dans les ombres. 

— Antoine Camenen pour L’ahah, 2020.