Clémentine Mercier

A Tours, l'essence ciel de Claire Chesnier

Libération N° 1369526 juillet 2025

Avec ses morceaux d’horizons faits de dégradés et de lignes floues, les tableaux aériens de l’artiste apaisent autant qu’ils nous éprouvent dans notre chair.

Claire Chesnier a écrit une phrase magnifique : « Le ciel nous touche, nous marchons dedans. » Et son œuvre aérienne est à l’image de cette phrase : céleste, on marche dedans, ébloui. Présentés à Tours, ses tableaux abstraits ponctuent régulièrement les cloisons de la «galerieblanche» – espace d’exposition du Centre de création contemporaine Olivier Debré baigné de lumière zénithale –, comme une partition à la fois tenue et lâche.

Aucun cartel ne vient troubler la pureté de l’accrochage. Soigneusement alignés et espacés les uns des autres, ces paysages, de format vertical, représentent tous des morceaux d’horizons, avec des lignes floues et des couches de couleurs, des dégradés labiles, sombres en bas, jaune, rose, mauve, bleu ou vert pâle en haut. Des aubes ou des crépuscules ? Mystère, c’est indéterminé.

Chair. A gauche, une typologie de nuages mousseux. A droite, des cieux dégagés et profonds défient la gravité : des petites stries noires s’élèvent vers le haut comme si le ciel aspirait la terre. N’est-ce pas le rayon vert qui se forme au centre des œuvres ? On dirait des photographies prises depuis le hublot d’un avion. Il s’agit en fait d’encres sur papier dont on perçoit la nature aqueuse, comme des aquarelles géantes. Si ces encres abstraites ressemblent tant à des photographies, c’est sans doute parce qu’elles sont contrecollées sur du Dibond, l’aluminium rigidifiant le dessin. Chaque encre porte, en guise de nom, le jour de sa fabrication : 130424 (2024), par exemple. Dans «Une éclaircie à la verticale», Claire Chesnier joue sur nos perceptions. Née en 1986, diplômée de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, l’artiste, aussi formée à la danse,s’intéresse au ressenti de la peinture. Et son projet de nous la faire éprouver dans notre chair est réussi. La rétine caressée par des volutes cotonneuses, on a la sensation d’avancer sur un nuage, de respirer d’infimes gouttelettes d’eau, d’avoir la peau touchée par de la ouate. «La peinture est une histoire du toucher, du comment toucher et être touché», a aussi écrit l’artiste.

Gazeuses. Dans un espace à part, Claire Chesnier a développé une installation lumineuse (en collaboration avec la start-up Olumee), où l’on s’installe devant une peinture qui change selon les différentes heures du jour, en accéléré. « Je forme le vœu que cette installation ouvre la possibilité de cette approche sensible d’un temps de ciel qui n’est plus simplement au-dessus de nous, mais dans nos yeux et face à nous couché dans des voiles d’encre passants. » A l’intérieur du musée, le plafond s’ouvre subitement, notre crâne aussi: des couleurs dorées, vertes et bleues, gazeuses, humides, bougent,hypnotiques. La peinture est, enfin, en nous.